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but, elles absorbent l’action des autres, qui tombent quelquefois, pendant de longues périodes de temps, dans une impuissance léthargique, modifiant sensiblement notre personnalité. Voilà pourquoi Félicien se demandait si c’était bien lui qui, comme un mercenaire ployé sur un travail ingrat, s’était épuisé en efforts rebutants pour établir son bonheur domestique ; si c’était lui vraiment qui avait ambitionné d’être aimé d’Adrienne, pour se condamner à partager ses étroitesses et ses puérilités ; si c’était lui qui avait consenti à désespérer Cécile, Cécile son dernier amour ! Oui, c’était son dernier amour ; maintenant il n’en concevrait pas d’autre. Il reconnaissait en lui ce présent délicieux de l’automne de la vie : suave comme un fruit, ardent comme un rayon à son dernier éclat, cet amour si complet et si profond qu’on n’en guérit jamais.

Il aimait à se rappeler la longue série d’ennuis qu’il avait subis avant que Cécile vînt habiter Rouen, pour mieux apprécier la transformation opérée par sa présence ; Quelle atmosphère chaude, colorée, doucement assoupie, s’épanchait autour d’elle ! Que de calme dans l’ivresse qu’elle inspirait ! Que de pas-