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duction, l’esprit de privilége. Une question de morale, posée à contre-sens, dominait tout. Le code littéraire était l’examen de conscience et le catéchisme. La passion devait être bannie de la poésie et du roman, et le convenable y régner comme dans une société mondaine et dévote. Pourquoi admettrait-on dans un livre ce qu’on ne tolère pas dans un salon, ce qui serait répréhensible au confessionnal ?

C’était, comme on sait, la manière de juger d’Adrienne ; ajoutez que la confusion perpétuelle que faisaient ces lecteurs naïfs, entre l’auteur et ses personnages, aggravait encore pour eux l’énormité du scandale. Enfin, le fond de leur pensée, c’est qu’on ne devait pas commettre d’œuvre de littérature que ne pût lire une demoiselle.

Félicien avait vu quelquefois des opinions à peu près aussi sensées émises par des critiques prétendus sérieux ; mais jamais ses nerfs n’en avaient été irrités comme en cette circonstance. Autre chose, en effet, est d’avoir à supporter la contradiction d’un écrivain, transmise par une feuille imprimée, que l’on peut rejeter loin de soi lorsque sa lecture vous importune et vous fatigue, ou de soutenir l’as-