Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/85

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rémunérations de la justice éternelle ? Comment enfin tant de conviction dans le devoir, tant de doute sur la récompense ?

Adrienne n’avait point supposé que Félicien fût ni si religieux ni si incrédule. Elle le croyait indifférent, insouciant et prévenu. Cette supériorité qu’elle commençait à découvrir en lui, loin de la satisfaire, la contrariait vivement : elle lui était suspecte parce qu’elle lui était opposée.

Sans entamer de discussion, elle protesta contre les doctrines de son mari et revint de la promenade importunée et mécontente. Sa préoccupation la suivit partout ; à l’église elle manqua de ferveur, au dîner, d’animation.

En sortant de table, Félicien l’engagea à faire ses préparatifs de départ. Pendant ce temps, lui dit-il, je vais dire quelques mots au jardinier et te cueillir un bouquet.

Adrienne était prête avant que Félicien vînt la chercher ; elle s’approcha de la fenêtre et le regarda à travers les persiennes baissées. Il parlait encore au jardinier, tenant le bouquet à moitié fait à la main. L’insouciance qu’il lui paraissait mettre à cette opération achevait de l’irriter. Depuis qu’elle voyait dans son mari