Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et se couchèrent, pensant qu’il était minuit.

Pour offrir si peu de ressources à l’intimité, Adrienne, qui n’était pas une femme nulle, n’était pourtant pas non plus une ignorante. Elle avait passé sept ans au couvent et avait profité de toute l’instruction qu’on y donnait. Elle possédait d’une manière exacte et précise les éléments de la plupart des sciences : astronomie, physique, chimie, géométrie, botanique, etc. Elle connaissait de nom tous les auteurs anciens et modernes, français et étrangers, appartenant à la littérature classique. On ne pouvait dire qu’elle eût étudié l’histoire ; mais elle savait la date de toutes les batailles qui ont été livrées depuis la création du monde ; quels conquérants y avaient présidé ; quels généraux les avaient gagnées ou perdues ; quels traités en avaient été la conséquence. Seulement, dans ce bagage scientifique, il n’y avait que des faits ; la prohibition des idées avait été respectée scrupuleusement.

Adrienne avait étudié dans les abrégés et les manuels, jamais elle n’avait lu un livre : on lui avait interdit les littérateurs comme pernicieux, les historiens comme malséants ; ceux-ci nomment ordinairement les choses par leur nom et