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GILLES DE RAIS.

ils « pensent que son fils est à Tiffauges ou à Pouzauges[1]. » Aux questions qui lui sont posées sur le sort de ceux qu’on lui a donnés, Gilles de Sillé ne trouve rien de plus ingénieux que de répondre que les Anglais, ces éternels ennemis de la France, ont réclamé des enfants, beaucoup d’enfants, pour la rançon de son frère, Michel de Sillé[2]. Un jour Roger de Bricqueville et lui demandèrent à un habitant de Machecoul de leur donner un jeune garçon pour porter un message au château, mais le jeune homme ne revint plus. On a vu Gilles de Sillé parcourant les campagnes, un voile d’étamine noire abaissé sur le visage, et rôdant autour des petits bergers comme un loup autour des agneaux : les agneaux ont disparu et l’on se demande si le ravisseur n’est pas cet homme dont le mystère épouvante. Prélati lui-même enfin est enveloppé dans les soupçons[3] ; car un jeune page qui était à son service a été perdu.

Grâce à la fréquence du crime, ou grâce à une confiance inexplicable dans l’impunité, ils en arrivaient même à négliger les plus simples précautions exigées par la prudence ou par la peur : par habitude de se cacher, ils ne se cachaient presque plus. Une femme de Pouancé, Isabelle Hamelin, était venue avec son mari, Guillaume, habiter le bourg de Fresnay, près de Machecoul. Un jour de l’année 1440, vers la fin d’avril, elle envoya deux de ses enfants dans Machecoul pour y acheter un pain avec de l’argent qu’elle leur avait donné : l’un était âgé de quinze ans, l’autre en avait sept environ ; mais ils ne revinrent pas, et, depuis ce jour fatal, elle n’entendit plus jamais parler d’eux. Seulement il arriva, le lendemain, une chose qui frappa vivement son esprit : Prélati et le marquis de Céva, qui demeuraient avec le sire de Rais et qu’elle connaissait fort bien pour les avoir vus plus d’une fois, vinrent à sa demeure et demandèrent à la voir. Le marquis s’informa tout d’abord si elle était guérie du mal dont

  1. Enq. civ., du 18 sept. 1440, p. cxvii, cxviii.
  2. Enq. civ. des 28, 29, 30 sept. 1440, p. cxxv, cxxvi.
  3. Enq. civ. des 28, 29, 30 sept. 1440, p. cxxiv.