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GILLES DE RAIS.

et ses amis : « Ha ! ribault, s’écrie-t-il en s’adressant au malheureux tremblant de tous ses membres, ha ! ribault ! tu as battu mes hommes, et leur as fait extorsion ; viens ! viens hors de l’église, ou je te tuerai tout mort ! » Pâle de terreur, Jean Le Ferron tombe aux genoux de Gilles de Rais : « Faites de moi ce qu’il vous plaira, » lui dit-il en suppliant. — « Dehors ! dehors ! » lui crie le terrible maréchal en brandissant sa jusarme sur la tête de son ennemi. De plus en plus épouvanté par cette voix et ces gestes menaçants, Jean Le Ferron supplie deux compagnons de Gilles, Lenano, marquis de Ceva et Bertrand Poulein, d’intercéder pour lui auprès de leur maître : « Il ne vous sera fait aucun mal, lui disent-ils, sortez : nous vous en répondons sur notre vie. » Et pendant ce temps-là, Gilles criait toujours « Dehors ! ribault ! dehors ! ou je te tuerai tout mort ! » Le peuple, autour d’eux, s’agitait ; à l’autel, le prêtre avait interrompu le sacrifice ; quelques-uns, ou plus craintifs ou plus prudents, s’esquivaient en toute hâte ; les plus curieux attendaient le dénouement de cette scène. Enfin Jean Le Ferron, un peu rassuré par les paroles du marquis de Ceva et de Bertrand Poullein, sortit de l’église, suivi du maréchal toujours menaçant et de ses compagnons. Aussitôt il est conduit devant les portes du château, que Gilles lui commande de remettre en sa possession ; sinon, il mourra sur place ; et Gilles fait le geste de lui trancher la tête d’un coup de sa jusarme : le prisonnier, effrayé de la menace et surtout du geste qui l’accompagne, obéit en tremblant : sur son ordre, la garnison abaisse le pont-levis et remet la place au maréchal. Mais la liberté ne fut pas rendue à Jean Le Ferron et à ses gens ; ils furent chargés de fers et jetés dans les prisons de Saint-Étienne d’abord, et plus tard conduits à celles du château de Tiffauges[1]. Le double attentat était consommé : Gilles de Rais s’était mis en pleine révolte contre le duc, son suzerain, en levant une armée sans son aveu, en mettant la

  1. Proc. ecclés., p. cii et suiv.Proc. civ., fo 369, vo.