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GILLES DE RAIS.

preuve, il se remit aux mains des soldats. Mais cette confiance affectée fut sans doute d’assez courte durée. À peine entrée dans le château, en effet, la troupe se livre à une perquisition minutieuse de tous les lieux ; les mots de crimes, de meurtres, enfants massacrés, d’abominations de toutes sortes, arrivent jusqu’à Gilles, avec des détails si précis qu’il en est secrètement épouvanté ; ses amis, ses serviteurs, ses courtisans de la veille l’abandonnent et s’échappent de toutes parts avec précipitation ; quelques-uns cependant sont arrêtés avec lui : Blanchet, qu’on a pris dans la ville ; Prélati, Poitou, Henriet, qui, dans leur âme, s’inquiètent grandement de l’avenir : Henriet même (il l’avoua plus tard), entrevoyant déjà la mort et le bûcher, pour n’avoir pas à révéler les terribles choses qu’il connait, roule dans sa pensée le dessein de se couper la gorge avec un poignard. Cependant on apporte une poussière, fine comme la cendre, qu’on dit être les restes d’un enfant brûlé de la veille peut-être, et qu’on a sans doute oublié de jeter au vent ou dans l’eau des douves ; puis, une petite chemise d’enfant, tout ensanglantée, qui répand une odeur nauséabonde et qu’on a trouvée à quelque distance du château, dans une petite maison retirée de Machecoul qui appartenait à un homme nommé Cahu et où couchaient ordinairement Eustache Blanchet et Prélati[1] : les serviteurs imprudents n’ont pas pris, durant la nuit, le soin de la faire disparaître.

Enfin, Robin Guillaumet, huissier de l’évêque de Nantes, vient lire à Gilles de Rais le mandat d’arrêt dont il est porteur et le citer au tribunal de l’Église[2]. L’horreur est

  1. Enq. civ. des 28, 29, 30 sept. 1440, p. cxxvii
  2. À propos des huissiers qui portaient aux accusés ces mandats d’amener, Michelet a fait une méprise, au moins en ce qui concerne l’histoire de Gilles de Rais :« Je ne puis m’empêcher d’admirer, dit-il, l’intrépidité de ces hommes, qui se chargeaient de tels messages ; qui, sans armes, en jaquette noire, n’ayant pas, comme le héraut, la protection de la cotte armoriée et au blason de leur maître, s’en allaient remettre au plus fier prince du monde ou au baron le plus féroce, à un Armagnac, à un rais, dans son funèbre donjon, le tout petit parchemin qui brisait les tours. Remarquez que l’huissier ne réussissait guère à faire un bon ajournement, régulier,