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Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/304

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L’ACCUSATION.

pour ainsi dire, de larmes, à mesure qu’il avance dans son récit. Calme encore en parlant des rumeurs publiques et de l’enquête secrète, à laquelle les bruits populaires ont donné lieu dans la ville et le diocèse de Nantes, et qui fut faite par l’évêque, ses commissaires et le promoteur lui-même, son style s’élève tout à coup, et dans un latin énergique, encore que peu élégant, il reproduit bientôt dans ses paroles jusques aux cris (clamosa), jusques aux lamentations (lamentabile), jusqu’à l’immense douleur (plurimum dolorosa) des insinuations accusatrices de la foule ; il montre les innombrables personnes de tout sexe et de toute condition, tant de la ville que du diocèse de Nantes (præcedentibus vocibus quam plurimarum personnarum utriusque sexus) qui, sous le poids de la douleur et de l’effroi, ont poussé vers la justice et vers le ciel des hurlements (ululantium), et sont venues se plaindre ensemble, le visage baigné de larmes (conquerentium et plangentium), de la perte de leurs fils et de leurs filles, apportant ainsi à la suite de l’évêque, des commissaires et du promoteur, l’autorité de leurs larmes et de leur douleur à l’appui des paroles de l’accusateur. Et quels sont donc les crimes et les coupables ? Les coupables sont Gilles de Rais, Roger de Bricqueville, Henriet Griart, Étienne Corillaut, surnommé Poitou, André Buschet, Jean Rossignol, Robin Romulart, un nommé Spadin, Hicquet de Brémont. Les crimes ? ce sont des meurtres d’enfants, égorgés, tués, démembrés, brûlés et traités sans humanité comme sans pudeur ; c’est l’immolation damnable de leurs corps au démon par Gilles de Rais, ce sont des évocations de démons ; ce sont des sacrifices offerts en leur honneur ; plus que tout cela encore, ce sont sur les enfants, tant durant leur vie que pendant les lenteurs calculées de leur mort et même après leur trépas, des traitements odieux, des abominations effrayantes, une brutalité mélangée d’une débauche innommable et d’une luxure que l’accusateur s’épuise à qualifier par les termes les plus indignés qui soient dans la langue latine. Tels sont les crimes portés contre l’accusé par les