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Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/95

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GILLES DE RAIS.

retentissant encore. Il passa dans le Bourbonnais au mois d’octobre, et séjourna à Montluçon, à l’Écu de France, jusqu’au mois de décembre. La note de l’hôtelier, Guillaume Charles, surnommé Guillou, monte à la somme considérable de huit cent dix réaux d’or, dont il ne put payer en partant que quatre cent quatre-vingt-quinze ; mais deux de ses serviteurs, Jean le Sellier et Huet de Villarceau, se portèrent comme garants de sa parole. Il passa encore quelque temps à Montmoreau, dans le Bourbonnais, et après plusieurs pérégrinations, rentra dans Orléans, au mois de mars 1435. Les dépenses qu’il fit jusqu’au mois d’août furent tellement énormes et insensées, qu’elles s’élevèrent à plus de quatre-vingt mille écus d’or, c’est-à-dire à des millions d’aujourd’hui, et qu’il retourna en Bretagne, ses revenus dévorés, ses terres vendues, ses seigneuries hypothéquées, ses œuvres d’art et ses joyaux engagés, laissant derrière lui enfin, à courte échéance, des dettes considérables et des emprunts très onéreux : c’était la ruine, un abîme béant où tout allait être englouti[1].

Pour soutenir un tel faste, ni ses revenus, ni les gages qu’il tenait du roi Charles VII, ni tous les profits en nature qu’il tirait de ses sujets, ne pouvaient lui suffire. Lorsqu’il demeurait dans ses domaines, il avait toutes choses sous la main ; mais dans les voyages et durant son séjour dans les contrées lointaines, il lui fallait tout acheter à prix d’argent, et pour se procurer de l’or, il ne reculait pas devant les contrats les plus ruineux. Que de terres, qui valaient plus de mille livres de rente, étaient affermées pour trois ou quatre cents, non seulement pour une année, mais encore pour deux ou trois ans et quelquefois même davantage ! Peu s’en souciait, pourvu qu’on lui fournît de l’argent comptant. Les salines des bords de l’Océan lui donnaient du sel en abondance : il le livrait pour moitié prix et même au tiers de sa valeur ; c’est qu’il lui fallait de l’or et que les créanciers n’attendaient

  1. Mémoire des Hêritiers, fo 10 vo. — Pièces communiquées par M. Doinel.