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Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/171

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jalousie : il voulut l’entraisner dans sa rebellion, pour ensuite l’envelopper dans sa perte. Ecoutons comme il luy parle, et penetrons le fond de ses artifices. Il s’adresse à Eve comme à la plus foible : mais en la personne d’Eve, il parle à son mari aussi-bien qu’à elle : pourquoy Dieu vous a-t-il fait cette défense ? S’il vous a fait raisonnables, vous devez sçavoir la raison de tout : ce fruit n’est pas un poison ; vous n’en mourrez pas . Voilà par où commence l’esprit de révolte. On raisonne sur le précepte, et l’obéïssance est mise en doute. vous serez comme des dieux, libres et indépendans, heureux en vous-mesmes, sages par vous-mesmes : vous sçaurez le bien et le mal ; rien ne vous sera impenetrable. C’est par ces motifs que l’esprit s’éleve contre l’ordre du créateur, et au dessus de la régle. Eve à-demi gagnée regarda le fruit dont la beauté promettoit un goust excellent . Voyant que Dieu avoit uni en l’homme l’esprit et le corps, elle crut qu’en faveur de l’homme il pourroit bien encore avoir attaché aux plantes des vertus surnaturelles et des dons intellectuels aux objets sensibles. Aprés avoir mangé de ce beau fruit, elle en presenta elle-mesme à son mari. Le voilà dangereusement attaqué. L’exemple et la complaisance fortifient la tentation : il entre dans les sentimens du tentateur si bien secondé ; une trompeuse curiosité, une flateuse pensée d’orgueïl, le secret plaisir d’agir de soy-mesme et selon ses propres pensées,