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Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/172

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l’attire et l’aveugle : il veut faire une dangereuse épreuve de sa liberté, et il gouste avec le fruit défendu la pernicieuse douceur de contenter son esprit : les sens meslent leur attrait à ce nouveau charme ; il les suit, il s’y soumet, et il s’en fait le captif, luy qui en estoit le maistre. En mesme temps tout change pour luy. La terre ne luy rit plus comme auparavant ; il n’en aura plus rien que par un travail opiniastre : le ciel n’a plus cét air serain : les animaux qui luy estoient tous, jusqu’aux plus odieux et aux plus farouches, un divertissement innocent, prennent pour luy des formes hideuses : Dieu qui avoit tout fait pour son bonheur, luy tourne en un moment tout en supplice. Il se fait peine à luy-mesme, luy qui s’estoit tant aimé. La rebellion de ses sens luy fait remarquer en luy je ne sçay quoy de honteux. Ce n’est plus ce premier ouvrage du créateur où tout estoit beau ; le peché a fait un nouvel ouvrage qu’il faut cacher. L’homme ne peut plus supporter sa honte, et voudroit pouvoir la couvrir à ses propres yeux. Mais Dieu luy devient encore plus insupportable. Ce grand Dieu qui l’avoit fait à sa ressemblance, et qui luy avoit donné des sens comme un secours necessaire à son esprit, se plaisoit à se montrer à luy sous une forme sensible : l’homme ne peut plus souffrir sa presence. Il cherche le fonds des forests pour se dérober à celuy qui faisoit auparavant tout son bonheur. Sa conscience l’accuse