Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/202

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toute leur république sur les merveilles qu’ils ont veûës. Ces merveilles n’estoient rien moins que la nature changée tout à coup en differentes occasions pour les delivrer, et pour punir leurs ennemis ; la mer separée en deux, la terre entre-ouverte, un pain céleste, des eaux abondantes tirées des rochers par un coup de verge, le ciel qui leur donnoit un signal visible pour marquer leur marche, et d’autres miracles semblables qu’ils ont veû durer quarante ans.

Le peuple d’Israël n’estoit pas plus intelligent ni plus subtil que les autres peuples, qui s’estant livrez à leur sens, ne pouvoient concevoir un Dieu invisible. Au contraire, il estoit grossier et rebelle autant ou plus qu’aucun autre peuple. Mais ce Dieu invisible dans sa nature se rendoit tellement sensible par de continuels miracles, et Moïse les inculquoit avec tant de force, qu’à la fin ce peuple charnel se laissa toucher de l’idée si pure d’un Dieu qui faisoit tout par sa parole, d’un Dieu qui n’estoit qu’esprit, que raison et intelligence.

De cette sorte, pendant que l’idolatrie si fort augmentée depuis Abraham couvroit toute la face de la terre, la seule posterité de ce patriarche en estoit exempte. Leurs ennemis leur rendoient ce témoignage ; et les peuples où la verité de la tradition n’estoit pas encore tout à fait éteinte s’écrioient avec étonnement, on ne voit point d’idole en Jacob ; on n’y voit point de présages superstitieux ;