Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/375

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qui devoit à son temple ses privileges, et l’abord des étrangers dont elle estoit enrichie : quelle tempeste devoit s’élever contre l’eglise naissante, et faut-il s’étonner de voir les apostres si souvent batus, lapidez, et laissez pour morts au milieu de la populace ? Mais un plus grand interest va remuer une plus grande machine ; l’interest de l’estat va faire agir le senat, le peuple romain et les empereurs. Il y avoit déja long-temps que les ordonnances du sénat défendoient les religions étrangeres. Les empereurs estoient entrez dans la mesme politique ; et dans cette belle déliberation où il s’agissoit de réformer les abus du gouvernement, un des principaux réglemens que Mecenas proposa à Auguste, fut d’empescher les nouveautez dans la religion qui ne manquoient pas de causer de dangereux mouvemens dans les estats. La maxime estoit veritable : car qu’y a-t-il qui émeuve plus violemment les esprits, et les porte à des excés plus étranges ? Mais Dieu vouloit faire voir que l’établissement de la religion veritable n’excitoit pas de tels troubles ; et c’est une des merveilles qui montre qu’il agissoit dans cét ouvrage. Car qui ne s’étonneroit de voir que durant trois cens ans entiers que l’eglise a eû à souffrir tout ce que la rage des persecuteurs pouvoit inventer de plus cruel, parmi tant de seditions et tant de guerres civiles, parmi tant de conjurations