Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/456

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fondemens plus solides. L’Egypte estoit en effet le plus beau païs de l’univers, le plus abondant par la nature, le mieux cultivé par l’art, le plus riche, le plus commode, et le plus orné par les soins et la magnificence de ses rois. Il n’y avoit rien que de grand dans leurs desseins et dans leurs travaux. Ce qu’ils ont fait du Nil est incroyable. Il pleut rarement en Egypte : mais ce fleuve qui l’arrose toute par ses débordemens reglez, luy apporte les pluyes et les neiges des autres païs. Pour multiplier un fleuve si bien faisant, l’Egypte estoit traversée d’une infinité de canaux d’une longueur et d’une largeur incroyable. Le Nil portoit par tout la fecondité avec ses eaux salutaires, unissoit les villes entre elles et la grande mer avec la mer rouge, entretenoit le commerce au dedans et au dehors du royaume, et le fortifioit contre l’ennemi : de sorte qu’il estoit tout ensemble et le nourricier et le défenseur de l’Egypte. On luy abandonnoit la campagne : mais les villes rehaussées avec des travaux immenses, et s’élevant comme des isles au milieu des eaux, regardoient avec joye de cette hauteur toute la plaine inondée et toute ensemble fertilisée par le Nil. Lors qu’il s’enfloit outre mesure, de grands lacs creusez par les rois tendoient leur sein aux eaux répanduës. Ils avoient leurs décharges préparées : de grandes écluses les ouvroient ou les fermoient selon le besoin ; et les eaux ayant leur retraite