Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/457

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ne séjournoient sur les terres qu’autant qu’il falloit pour les engraisser. Tel estoit l’usage de ce grand lac, qu’on appelloit le lac de Myris ou de Moeris : c’estoit le nom du roy qui l’avoit fait faire. On est étonné quand on lit, ce qui neanmoins est certain, qu’il avoit de tour environ cent quatre-vingt de nos lieuës. Pour ne point perdre trop de bonnes terres en le creusant, on l’avoit étendu principalement du costé de la Lybie. La pesche en valoit au prince des sommes immenses ; et ainsi quand la terre ne produisoit rien, on en tiroit des tresors en la couvrant d’eaux. Deux pyramides, dont chacune portoit sur un trône deux statuës colossales, l’une de Myris, et l’autre de sa femme, s’élevoient de trois cens pieds au milieu du lac, et occupoient sous les eaux un pareil espace. Ainsi elles faisoient voir qu’on les avoit érigées avant que le creux eust esté rempli, et montroient qu’un lac de cette étenduë avoit esté fait de main d’homme sous un seul prince. Ceux qui ne sçavent pas jusques à quel point on peut ménager la terre, prennent pour fable ce qu’on raconte du nombre des villes d’Egypte. La richesse n’en estoit pas moins incroyable. Il n’y en avoit point qui ne fust remplie de temples magnifiques et de superbes palais. L’architecture y montroit par tout cette noble simplicité, et cette grandeur qui remplit l’esprit. De