Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/459

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à perte de veûë, et bornées de part et d’autre par des sphinx d’une matiere aussi rare que leur grandeur est remarquable, servent d’avenuës à quatre portiques dont la hauteur étonne les yeux. Quelle magnificence, et quelle étenduë ! Encore ceux qui nous ont décrit ce prodigieux édifice n’ont-ils pas eû le temps d’en faire le tour, et ne sont pas mesme asseûrez d’en avoir veû la moitié ; mais tout ce qu’ils y ont veû estoit surprenant. Une sale, qui apparemment faisoit le milieu de ce superbe palais, estoit soustenuë de six-vingt colonnes de six brassées de grosseur, grandes à proportion, et entremeslées d’obelisques que tant de siecles n’ont pû abbatre. Les couleurs mesme, c’est à dire ce qui éprouve le plustost le pouvoir du temps, se soustiennent encore parmi les ruines de cét admirable édifice, et y conservent leur vivacité : tant l’Egypte sçavoit imprimer le caractere d’immortalité à tous ses ouvrages. Maintenant que le nom du roy penetre aux parties du monde les plus inconnuës, et que ce prince étend aussi loin les recherches qu’il fait faire des plus beaux ouvrages de la nature et de l’art, ne seroit-ce pas un digne objet de cette noble curiosité, de découvrir les beautez que la Thebaïde renferme dans ses deserts, et d’enrichir nostre architecture des inventions de l’Egypte ? Quelle puissance et quel art a pû faire d’un tel païs la merveille de l’univers ? Et quelles beautez ne