Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/519

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monde étonné des exploits du roy, confesse qu’il n’appartenoit qu’à luy seul de donner des bornes à ses conquestes.

La conduite du senat romain si forte contre les ennemis, n’estoit pas moins admirable dans la conduite du dedans. Ces sages senateurs avoient quelquefois pour le peuple une juste condescendance, comme lors que dans une extréme necessité non seulement ils se taxerent eux-mesmes plus haut que les autres, ce qui leur estoit ordinaire, mais encore qu’ils déchargerent le menu peuple de tout impost, ajoustant que les pauvres payoient un assez grand tribut à la république, en nourrissant leurs enfans . Le senat montra par cette ordonnance qu’il sçavoit en quoy consistoient les vrayes richesses d’un estat ; et un si beau sentiment joint aux témoignages d’une bonté paternelle, fit tant d’impression dans l’esprit des peuples, qu’ils devinrent capables de soustenir les dernieres extrémitez pour le salut de leur patrie. Mais quand le peuple méritoit d’estre blasmé, le senat le faisoit aussi avec une gravité et une vigueur digne de cette sage compagnie, comme il arriva dans le démeslé entre ceux d’Ardée et d’Aricie. L’histoire en est mémorable, et mérite de vous estre racontée. Ces deux peuples estoient en guerre pour des terres que chacun d’eux prétendoit. Enfin las de combatre, ils convinrent de se rapporter au jugement du