Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/529

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

elle se trouva sans forces. Il fallut rappeller Annibal à qui il ne restoit plus que des troupes affoiblies plus par leurs propres victoires que par celles des romains, et qui acheverent de se ruiner par la longueur du voyage. Ainsi Annibal fut batu, et Carthage autrefois maistresse de toute l’Afrique, de la mer Mediterranée et de tout le commerce de l’univers, fut contrainte de subir le joug que Scipion luy imposa. Voilà le fruit glorieux de la patience romaine. Des peuples qui s’enhardissoient et se fortifioient par leurs malheurs avoient bien raison de croire qu’on sauvoit tout pourveû qu’on ne perdist pas l’esperance ; et Polybe a tres-bien conclu, que Carthage devoit à la fin obéïr à Rome par la seule nature des deux républiques. Que si les romains s’estoient servis de ces grandes qualitez politiques et militaires, seulement pour conserver leur estat en paix, ou pour proteger leurs alliez opprimez comme ils en faisoient le semblant, il faudroit autant loûër leur équité que leur valeur et leur prudence. Mais quand ils eûrent gousté la douceur de la victoire, ils voulurent que tout leur cedast, et ne prétendirent à rien moins qu’à mettre premierement leurs voisins, et en suite tout l’univers sous leurs loix.

Pour parvenir à ce but, ils sceûrent parfaitement conserver leurs alliez, les unir entre eux, jetter la division et la jalousie parmi leurs ennemis,