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Page:Botrel - Chansons de route, 1915.djvu/22

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À la fin du couplet, il applaudit de toutes ses forces. Dans tous les lits on rit, on applaudit. La glace est rompue. Maintenant, le chanteur attaque la Kaisériole sur l’air de la Carmagnole, puis Guillaume s’en va-t-en guerre sur l’air de Marlborough, En revenant de guerre sur l’air de En revenant de noce, Dans la Tranchée, le Paimpolais, etc. Tout cela est gai, bon enfant, héroïque sans emphase. Dans ces chansons-là, on tue, on cogne, on s’excite à l’assaut, on bafoue l’ennemi, on crie vengeance avec simplicité :

Nous avons soif de vengeance !
Rosalie, verse à la France !
QuandVerse à boire !
De la gloire à pleins bidons !
QuandBuvons donc !

Quelle erreur était la mienne ! Le cœur de Botrel est plus près que le mien de celui de nos Héros. Ces braves Français aiment les chansons et les grands mots. Ce sont des mots à leur taille. Ils n’y voient point tant de profondeurs. Ces mots-là expriment bien ce qu’ils sentent, ils les trouvent tout naturels, comme leur propre conduite. Notre timidité a tort, et c’est notre excès de littérature qui crée en nous-mêmes ces malentendus que nous redoutons.

Le lendemain, Botrel chantait dans un autre hôpital, l’hôpital Lamartine. Mais ce jour-là, je ne l’entendis pas. J’écrivais dans ma chambre tandis qu’au-dessus de ma tête régnait un formidable vacarme. Quatre Taubes survolaient Dunkerque et laissaient tomber une vingtaine de bombes sur la ville et les environs. De partout on tirait sur eux à coups de