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Page:Bouasse - Bases physiques de la musique.djvu/104

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OBTENTION DES SONS. TOLÉRANCE DE L’OREILLE.

On peut en un sens chercher à le transformer en un instrument à sons fixes. Il suffit pour cela d’amener le musicien à faire correspondre automatiquement à une notation musicale une position du doigt. Si l’on parvient à transformer rigoureusement l’exécutant en un tel automate, il est clair que l’oreille n’intervient plus ; on peut supposer qu’il devienne sourd, son jeu n’en restera pas moins correct. Mais les intervalles se trouvent dès lors fixés d’une manière rigide : l’instrument présente les avantages caractéristiques des instruments à sons fixes ; il en présente aussi tous les inconvénients.

On peut au contraire chercher à développer le rôle de l’oreille. L’éducation est alors toute différente et infiniment plus difficile : on suppose que l’exécutant pense l’intervalle actuellement le meilleur parmi tous les intervalles synonymes et qu’il sait la correspondance exacte entre un intervalle pensé et la position du doigt sur la touche, plus généralement la disposition du mécanisme quelconque employé pour produire le son.

Il y a entre ces deux conceptions du musicien toute la différence qui existe entre un manœuvre et un artiste. Disons tout de suite que le manœuvre est la règle, l’artiste la rare exception ; le bon manœuvre n’est déjà pas ordinaire.

On conçoit donc que l’éducation reçue dans les conservatoires. éducation qui s’adresse à la masse et par conséquent à la médiocrité, tende à faire d’honorables manœuvres. Aussi la préoccupation avouée de la plupart des violonistes est de ne distinguer que douze sons à l’octave. par conséquent douze positions invariables des doigts sur la touche à l’intérieur de chaque octave.

La conclusion qui s’impose est le choix de la gamme tempérée ou d’une gamme qui se rapproche le plus possible de la tempérée dans les instruments, comme le violon, qui admettent déjà des quintes naturelles (cordes à vide). Naturellement le mécanisme du musicien ayant été assoupli pour ce but, rien d’étonnant qu’il fournisse des intervalles mélodiques qui soient plus hauts que les intervalles naturels. C’est, en particulier, ce qu’il fait dans tous les mouvements rapides pour lesquels, si artiste qu’il soit, son instinct n’a pas matériellement le temps de décider quel est le meilleur intervalle