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DE L’ÉDUCATION NORMALISÉE

sentable parce qu’on n’ignore pas la deuxième partie du Discours de la méthode.

Avant Descartes, Képler et Galilée avaient écrit des mémoires, parfaits modèles d’expérience ou d’observation. Avant Aristote, Socrate raisonnait, bien que ne connaissant pas les règles du syllogisme, les appliquait tout de même. Bacon débite de belles choses sur l’induction ; chaque fois qu’il tente une expérience, piteusement il se blouse : tel celui qui clame un sermon contre l’alcoolisme et se pique le nez au sortir du prône.

Les discours, les conseils, nous en crevons.

Pas tant de règles et plus d’obéissance à la règle ; paa tant de discours, un peu plus d’actes.

Le livre sur l’Organisation est niais parce qu’il proclame de ces vérités éternelles (n’en jetez plus : la cour est pleine !) que tout homme intelligent cultivé à la mode française connaît et applique d’instinct.

Après avoir platement suivi les Scandinaves, les Boches, les Anglo-Saxons,… après avoir oublié que nous étions Français et avoir failli en claquer, n’allons pas à la remorque de Taylor nous débitant pompeusement les règles de Descartes !

Que Taylor ait étudié soigneusement certains problèmes très particuliers, qu’il ait rendu de grands services à l’industrie, personne ne le conteste. Que ce soit un rénovateur scientifique, il faut sortir de l’École Polytechnique pour l’admettre.

Au reste, voyons ce qui fait la gloire de Taylor, en dehors de ses études très spéciales sur les conditions du tournage et sur les machines-outils.

Taylor a découvert (! ?) que lorsqu’un ouvrier fait cent mille fois le même geste, il faut décomposer ce geste en temps et en étudier systématiquement le rythme.

Je veux bien que pour les industriels et les membres de l’Institut ce soit une révélation. Moi qui ne suis ni l’un ni l’autre, je m’étonne qu’on n’y ait pas songé plus tôt, puisque cette décomposition en temps est universellement utilisée pour l’exercice à la caserne, pour la danse, l’escrime, la savate, etc., etc. Sans contester le génie de Taylor d’avoir trouvé que le transport des gueuses de fonte est plus économique quand on procède en 14 temps et 17 mouvements, je n’y vois qu’une application de procédés ultra connus.

Quand je prenais des leçons de danse, je comptais v temps pour la valse à trois temps, p pour la polka, m pour la mazurque, s pour la scottish, et ainsi de suite. Je laisse à déterminer les facteurs v, p, m, s… : à trop m’avancer j’aurais peur de sentir l’hérésie. Mais je n’ai jamais su danser parce que précisément je comptais toujours v temps en tournant la valse, p en oscillant la polka, et ainsi de suite ; de sorte que pour peu que ma danseuse me confiât gentiment qu’il faisait chaud ou que ce bal était charmant, le temps de répondre, voire un monosyllabe, je m’embrouillais dans les coefficients… et je