Aller au contenu

Page:Bouasse - Optique géométrique élémentaire, Focométrie, Optométrie, 1917.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
xiv
DE L’ÉDUCATION NORMALISÉE

des temps. Je suis équitable ; l’envie ne creuse pas mes joues de rides prématurées ; l’ictère ne jaunit pas mon teint : je sais récompenser le vrai mérite. Si vous préférez la statue en acier Bessemer, Thomas ou Martin, en acier chromé, manganésifère ou même allié de tungstène, j’y souscris de bonne grâce. Mais, pour Dieu ! respectez les proportions et l’histoire ! N’offrez pas comme une rare découverte ce que faisait le sergent Montauciel, des gardes françaises, quand il enseignait à ses hommes la charge en dix-huit temps.

D’avoir compté les temps rend conscients les gestes instinctifs, ce qui aide la mémoire et supprime la crainte de s’embrouiller. Nous savons qu’il est dangereux, pour les bien exécuter, de réfléchir sur nos gestes habituels. Demandez à Cercleux de vous expliquer comment il réussit la merveille qu’est son nœud de cravate. Il vous répond qu’il va la reproduire devant vous ; mais il est incapable d’analyser son geste… à moins qu’il n’ait fait l’éducation d’un prince (voyez Donnay).

On raille les Boches de ce que leurs professeurs de langues latines déclarent savoir mieux le français que nous. En un sens ils ont raison. Nous connaissons le français par l’usage, ils le connaissent en théorie. Ils parlent mal, mais ils savent comment en théorie on parle bien. Ils ont compté les temps : nous n’avons jamais pris cette peine.

Résultat : tout à coup il nous vient un doute sur une règle de grammaire qu’au surplus nous n’avons jamais sue : nous devons consulter le dictionnaire.

Compter les temps, c’est apprendre intelligemment son métier, au lieu de le pratiquer par routine.

Je fais donc la part légitime au comptage des temps. Toutefois je cote mon français passablement incorrect plus haut que celui de Herr Professor Schweinkoft. Il y trouvera peut-être des fautes de grammaire, mais il n’en appréciera jamais l’astringente saveur.

Les règles de Taylor sur le dénombrement des facteurs me rappellent une curieuse histoire de chameaux. Je la prends par bribes dans un livre que vous lirez avec profit, la Conquête du Sahara, par Gautier.

Le chameau, cet organisme adapté à un pays à part, défie toutes prévisions basées sur notre expérience européenne. Nous ne savons jamais exactement ce qu’on peut se permettre avec lui et ce qu’on doit s’interdire. La charge au dos, de son pas habituel, sans se plaindre (du moins plus que d’habitude, car il est de sa nature mal embouché), le chameau épuisé marche la route. Quand il est à