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Page:Bouasse - Optique géométrique élémentaire, Focométrie, Optométrie, 1917.djvu/16

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DE L’ÉDUCATION NORMALISÉE

La peau du méhari, dit Gautier, est une étrange substance avec laquelle on peut d’une part se permettre des plaisanteries incroyables (puisqu’on ressemelle un pied usé de chameau comme une savate, avec un morceau de cuir quelconque et une alène crasseuse) ; mais, d’autre part, une plaie, si on la soigne correctement avec un pansement antiseptique au sublimé, devient phagédénique et envahit tout l’animal. Il faut la brûler au fer rouge avec une barbarie sauvage, contraire à tous les usages hippiatriques ; si bien que pour un chameau blessé, les soins dévoués d’un bon vétérinaire sont un arrêt de mort.


Après de tels exemples et sans oublier l’importante question du transport des gueuses, nous classerons les admirateurs du taylorisme généralisé dans la catégorie des paralytiques généraux.

Mais ne me faites pas dire ce que je ne dis pas.

Quand un problème est bien déterminé, comme celui de la composition des alliages ou de la trempe des aciers, il n’est pas nécessaire d’être tayloriste pour admettre la nécessité de procéder systématiquement.

Mais ce qui est facile en Chimie, devient impossible en Agriculture ou Zootechnie, et complètement idiot en Sociologie et Économie politique.

Réduit à ce qu’il a d’intelligent, le taylorisme est un truisme : ses adeptes en font une sottise. « Seigneur, protégez-moi contre mes amis ! De mes ennemis je me charge ! »

Je résume ma thèse.

Nous possédons des outils intellectuels. La culture n’est possible que si nous apprenons leur emploi : un apprentissage est nécessaire, humble, pénible et long. L’erreur de ces trente dernières années a été de croire qu’on pouvait tout faire de génie. C’est imiter quelqu’un que de planter des choux ; même pour planter des choux il existe une doctrine, un recueil de préceptes. Toute doctrine est discutable : je ne soutiens pas que nous connaissons la meilleure manière de planter les choux. Mais avant d’innover dans l’art de planter les choux, nous devons étudier ce qui est écrit sur la matière, nous informer près des sages et ne proposer de nouvelles méthodes qu’après avoir sérieusement médité celles de nos aïeux. Bref, avant de penser des choses admirables et définitives, ce à quoi mes lecteurs sont évidemment tous destinés, il faut apprendre à penser.

Il faut connaître les règles anciennes, seraient-elles d’Aristote.

Il faut analyser les opérations de la pensée.

Les imbéciles en restent là ; ils sont systématiques.

N’étant pas des imbéciles, vous ferez le dernier pas ; ayant appris les règles, vous les oublierez comme devenues inutiles.

En ceci consiste l’éducation : apprendre des règles pour apprendre à s’en passer.

Le stupide du bouquin sur Taylor est de conserver pompeusement l’échafaudage. Il y a cent ans, quand on a voulu planter en