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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/10

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le courant, permis au sable que charroie constamment celle-ci de se déposer en cet endroit et de s’y accumuler, s’était formée une petite péninsule ; laquelle, s’avançant de quelques brasses dans la rivière, laissait entre elle et la berge un minuscule havre de quelques verges seulement d’étendue.

Tout à fait au fond de cette baie en miniature, juste dans l’angle aigu formé par la jonction de la langue de terre avec la rive, l’avant tiré hors de l’eau et légèrement enfoncé dans le sable, une légère pirogue, comme savaient si bien en façonner, avec l’écorce du bouleau, les premiers habitants de ce pays, reposait, presque complètement cachée par les hautes herbes et les broussailles retombant de la rive, et apparemment abandonnée.

Si cette pirogue, ou canot d’écorce, comme on les appelait alors et comme on les désigne encore de nos jours, eût appartenu à un Indien et que son propriétaire fut apparu tout à coup, rien n’aurait été dérangé dans le tableau que nous venons de tracer. Bien au contraire ; le premier habitant de nos forêts, apparaissant sur cette scène dans sa primitive simplicité, n’en aurait été que le complément naturel.

Mais quiconque eût possédé la moindre expérience en cette matière aurait, du premier coup d’œil, reconnu que ce canot appartenait, non pas à un sauvage, mais à un Blanc.

En effet, sa proue était renforcée d’une mince lame de métal, chose que n’aurait jamais eue le canot d’un sauvage ; et le contenu, aussi bien que le canot lui-même, trahissait son origine : plusieurs paquets enveloppés dans des morceaux de toile à voile, une boîte faite de planchettes sciées et un petit baril