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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/11

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dénotaient que tous ces objets étaient la propriété d’un Blanc ; car, à cette époque, les planches et les barils étaient choses inconnues des sauvages, et quand ces derniers jugeaient à propos d’envelopper quelque chose, ils le faisaient, soit dans des morceaux d’écorce, soit dans des peaux de bêtes ; mais la toile leur était aussi étrangère que le fer, les barils et les planches.

Le soleil montait lentement au-dessus de la forêt, et ses rayons plongeaient toujours de plus en plus perpendiculairement entre les branches des arbres. Quoiqu’il fît encore relativement frais au bord de la rivière, la journée s’annonçait comme devant être torride.

La chaleur, qui commençait déjà à être accablante, avait fait taire les alouettes, qui se tenaient maintenant cachées au fond des bosquets. Les insectes mêmes, comme s’ils eussent ressenti d’avance les effets de la chaleur qui allait toujours en augmentant, avaient mis une sourdine à leur susurrement : la forêt tout entière s’était remplie d’un grand silence, silence que l’on croyait sentir remuer.

Soudain, et sans cause apparente car rien n’a bougé dans le paysage et aucun bruit insolite ne s’est fait entendre, le héron, jusque là immobile comme une statue, replie sa longue échasse, abaissant ainsi son corps au niveau de l’eau et le confondant avec les herbes qui tapissent le lit de la rivière ; puis, relevant son bec effilé vers le ciel, il donne à son long cou l’apparence d’une branche morte sortant de l’eau. Au même instant, le martin-pêcheur pousse un cri rauque et s’enfuit à tire-d’aile en rasant la surface de la rivière.