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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/132

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Il avait donc accepté l’offre de celui qu’il considérait comme son bienfaiteur, dans le but premièrement de s’acquitter de sa dette, mais aussi, une fois sa dette payée, de s’amasser un peu d’argent et de voir à se placer ailleurs, dans une situation plus en rapport avec ses goûts.

Quant à s’en retourner chez son père, le jeune homme n’y pensait même pas. Il n’y avait pas de place dans son imagination pour l’idée qu’il aurait pu retourner chez son père, blessé, encore peu capable d’endurer la fatigue comme il l’était, c’est-à-dire vaincu. Après en être parti comme il était parti l’automne précédent, sans avertir ni consulter personne, il lui fallait revenir à Beaupré en vainqueur ; c’est-à-dire en bonne santé, avec de l’argent dans ses goussets, et avec le prestige d’un voyage ou de quelque entreprise accomplie avec succès.

Ce furent ces raisons qui le décidèrent d’accepter l’offre de celui envers qui il ne pouvait s’empêcher d’être reconnaissant, et il fut aussitôt installé comme domestique de maître Boire, aubergiste de Lachine. Dans cette position, ses devoirs consistaient à servir les clients de l’auberge et à prendre, d’une manière générale, soin de l’établissement quand le patron était forcé de s’absenter ou qu’il était retenu par son commerce de pelleteries.

Roger dut travailler tout l’hiver et tout l’été suivant pour maître Boire, avant de s’être complètement libéré de sa dette. Alors, vu qu’on était à l’approche de la dure saison, il consentit à demeurer chez l’aubergiste encore jusqu’au printemps. Le printemps venu, maître Boire, qui avait eu le temps d’apprécier les qualités de son domestique, réussit, à force