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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/139

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Mais revenons à nos moutons.

Quand Roger avait parlé de reconduire, aussi vite que possible, Ohquouéouée de l’autre côté du Saint-Laurent, les yeux de cette dernière, qui n’avaient pas quitté le visage du jeune homme pendant tout le temps qu’il avait parlé, s’étaient quelque peu agrandis. Ils se reportèrent aussitôt sur le visage de Le Suisse et semblèrent attendre sa réponse avec anxiété. Celui-ci, après avoir réfléchi deux ou trois minutes dit :

— Personne ne nous a vus entrer dans cette rivière, car nous avons dépassé les habitations situées à son embouchure avant qu’il ne fit jour et, à cette heure matinale, il ne devait y avoir personne de levé. Il ne serait donc pas bon que l’on nous en vit sortir, en plein après-midi, avec une femme sauvage dans notre canot.

Après un moment de silence, pendant lequel Le Suisse sembla continuer ses réflexions, il reprit :

— Si cela te convient, nous partirons d’ici au soleil couchant. Cela me donnera le temps de retourner faire un tour à la source cet après-midi, et d’en être de retour assez tôt pour que nous puissions descendre, jusqu’aux approches des habitations, avant que les ténèbres ne deviennent trop épaisses. Nous resterons cachés là jusque vers les dix heures de nuit et, quand nous croirons tous les habitants couchés et endormis, nous nous remettrons en route. Cela nous amènera de l’autre côté du lac au point du jour, comme nous sommes arrivés de ce côté-ci, et nous entrerons dans le Saint-François, comme nous sommes entrés dans la rivière du Loup, sans être vus de personne.