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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/141

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avait des ailes et volait ou, plutôt, planait dans l’espace. On croyait encore l’entendre vibrer après qu’elle avait fini de parler, tout comme on continue d’entendre vibrer une cloche longtemps après que le marteau l’a frappée.

— Tu l’aimerais bien certainement, reprit Roger, car il vient de consentir à abréger son séjour ici afin de ne pas te faire attendre ton départ pour ton pays. Nous traverserons la Grande-Rivière cette nuit et, demain si cela te plaît, tu pourras te mettre en route pour Sarastau.

— J’ai bien hâte de voir mon père ! fit Ohqouoéouée de sa voix basse et musicale, qui, maintenant et à chaque fois qu’elle parlait, allait droit au cœur du jeune homme.

Après ces quelques phrases, échangées d’une manière hésitante de la part de Roger, et avec un air de tristesse de la part de l’Indienne, les deux jeunes gens furent assez longtemps silencieux. Puis, tout à coup, Roger dit :

— Nous ferions bien, je crois, de préparer quelque chose à manger pour quand Le Suisse reviendra, car il n’y a aucun doute qu’il va avoir une faim de loup.

Joignant l’action à la parole, il alla au canot chercher le morceau de fer qui, dans la matinée, avait servi de bêche à Le Suisse, puis il se mit à fouiller la terre. Quand il eut déterré quelques vers, il ramassa la ligne qui gisait sur la grève, l’amorça et la jeta à l’eau.