Aller au contenu

Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 143 —

grandes précautions, jusqu’au point de retenir leur souffle quand ils dépassaient une maison, pour arriver à ne pas faire de bruit. Ils y réussirent si bien que, entre onze heures et minuit, ils débouchaient heureusement dans le lac Saint-Pierre, sans que personne n’eût eu connaissance de leur passage.

Il n’y avait pas de lune, mais quelques étoiles qui brillaient entre les nuages leur permettaient de distinguer confusément les deux rives ; ou, plus exactement, de distinguer, quand ils levaient la tête et regardaient au-dessus d’eux avec attention, la masse grisâtre des nuages entre les deux rangées d’ombres épaisses formées par les arbres bordant les deux côtés de la rivière.

Quand Le Suisse vit ces deux rangées d’arbres s’écarter progressivement et, en s’éloignant d’eux, leur découvrir une étendue du firmament qui allait toujours en s’élargissant, il dit, d’une voix juste assez haute pour être entendue à l’autre bout du canot, où était Roger :

— Nous allons continuer de ramer en aussi droite ligne que possible, jusqu’à ce que nous touchions terre, de l’autre côté du lac. Une fois là, nous attendrons les premières lueurs du jour pour chercher l’entrée de la rivière. En nous dirigeant toujours droit devant nous, nous sommes certains d’atteindre l’autre rive en aval du Saint-François. Nous n’aurons alors, dès que nous y verrons assez pour nous diriger, qu’à suivre, en remontant, le bord du lac jusqu’à l’embouchure de la rivière et à y entrer aussi vite que possible. De cette manière, nous avons grande chance de n’être aperçus de personne, même si, par hasard, il y avait quelqu’un sur le lac.