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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/147

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réunies, avait soulevé un peu d’eau à ses lèvres. Après elle, Roger y goûta aussi, mais ne la trouvant pas plus à son goût que celle de la première source, il dit, en se relevant et en s’adressant à son compagnon :

— Tu peux en boire tant que tu voudras, de ton eau minérale. Quant à moi, je n’y tiens pas. Je préfère, pendant que tu resteras ici, près de ta source, retourner au canot et avoir l’œil aux provisions. Puis, se tournant vers l’Indienne, il ajouta, en algonquin :

Viens-tu, Ohquouéouée ?

Sans répondre, la jeune fille se mit à marcher à sa suite et, tous les deux, ils gravirent la côte, refaisant le chemin par où ils étaient venus une demi-heure plus tôt.

Arrivé au sommet de la pente, c’est-à-dire au niveau du pays environnant, Roger allait tourner à gauche pour prendre le chemin de l’endroit où ils avaient laissé leur canot, quand il se sentit tirer par sa manche. Se retournant, il vit la jeune Indienne immobile, la tête baissée et le regard fixé sur le sol devant elle. Les mouvements précipités de son sein et un frémissement qui agitait tout son corps, indiquaient qu’elle était sous le coup d’une forte émotion.

Roger, la voyant ainsi agitée, lui demanda :

— Qu’as-tu donc, Ohquouéouée ?… Pourquoi trembles-tu ainsi ?… Serais-tu malade ?

L’Indienne fit un suprême effort et maîtrisa son émotion. Puis, d’une voix assez ferme, elle répondit :

— Je ne suis pas malade, et c’est très heureux, car j’ai un long voyage devant moi !