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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/148

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— Ah ! c’est vrai ! Tu veux retourner dans ton pays ?… Mais rien ne presse. Pourquoi ne retardes-tu pas ton départ jusqu’à demain ? Le Suisse et moi allons passer la journée et la nuit ici ; reste avec nous à te reposer et tu partiras demain, d’aussi grand matin qu’il te plaira.

Le jeune homme parlait avec volubilité. On eût dit qu’il savait d’avance que la résolution de l’Indienne était définitivement prise, et qu’il cherchait plutôt à s’étourdir lui-même qu’à convaincre celle à qui il s’adressait.

Pendant que Roger avait parlé, Ohquouéouée était restée les yeux baissés. Quand il se tut, elle releva la tête et, après avoir regardé le jeune homme un moment, elle dit, de sa voix chantante, de cette voix qui le pénétrait jusqu’à la moelle :

— Quand Wabonimiki — elle lui donnait son nom algonquin — quand Wabonimiki m’a surprise en train de dérober son canot, il aurait pu me tuer, et aucun des miens n’aurait eu le droit de me venger !… Il ne m’a pas tuée et je l’en remercie !… Quand je lui eus appris que je voulais m’emparer de son canot afin de pouvoir traverser la Grande-Rivière et retourner chez les miens, il a aussitôt dit : « Je vais te conduire de l’autre côté de la Grande-Rivière. » Je le remercie encore !… Le jeune guerrier blanc a montré que son cœur est bon et qu’il est prêt à rendre service aux pauvres enfants de la forêt.

S’inclinant, l’Indienne prit dans ses mains une de celles du jeune homme, y appuya son front brûlant, et resta plusieurs minutes dans cette position.

Quand elle se releva, elle resta encore quelques instants silencieuse, puis elle reprit :