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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/149

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Ohquouéouée n’oubliera jamais que Wabonimiki l’a aidée et protégée !… Le nom et les traits du jeune guerrier blanc sont à jamais gravés dans le cœur de l’Indienne !… Si jamais Wabonimiki vient au pays des Eaux-Salées, là où habite la tribu de la Tortue, de la grande nation onnontaguée, mon père le recevra comme s’il était son fils. Et si jamais Ohquouéouée peut lui rendre service, fût-ce au prix de sa vie, elle le fera avec bonheur !

L’Indienne se tut subitement, et se retournant, elle s’éloigna à grands pas.

Pendant tout le temps qu’Ohquouéouée avait parlé, et même à son brusque départ, Roger n’avait pu articuler une parole, tant l’émotion l’étreignait à la gorge. Et cette émotion, qui s’était emparée de son être au moment où il avait vu que la jeune Indienne s’apprêtait à le quitter, était si complexe, qu’il ne pouvait la définir. Il vit Ohquouéouée parcourir une cinquantaine de pas, puis se retourner et le contempler quelques instants. Combien de temps ?… Il n’aurait pu le dire. Il crut même — fût-ce une illusion ? — voir briller une larme dans ses yeux quand elle lui adressa ce dernier regard. Puis, lui tournant une dernière fois le dos, l’Indienne s’enfonça dans la forêt, et bientôt les arbres la dérobèrent à sa vue.

Alors, le jeune Canadien, rivé à la place où Ohquouéouée l’avait quitté, essaya de se rendre compte de la nature des sentiments qui l’agitaient. Quand, la veille, il avait aperçu Ohquouéouée en train de s’emparer de son canot, il n’avait pas été surpris ; car c’était là, pour une sauvagesse, une action fort ordinaire. Les sauvages de cette époque,