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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/153

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le régime auquel étaient soumis nos deux aventuriers, ils se croiraient les plus malheureux des hommes.

Cependant, Le Suisse et Roger ne faisaient que mener la vie ordinaire des coureurs de bois de cette époque. Et encore, ils la menaient dans la belle saison, quand le gibier, aussi bien que le poisson et les fruits sauvages de toutes espèces leur fournissaient une nourriture saine et abondante ; pourvu, seulement, qu’ils se donnassent la peine de la prendre. Cette vie, comparée à celle qu’étaient obligés de mener les coureurs de bois quand ils entreprenaient de longs voyages au milieu de l’hiver, ce qui arrivait très souvent aux premiers temps de la colonie, était une vie de luxe et de mollesse.

Ces hommes, les coureurs de bois, étaient ainsi faits qu’ils pouvaient rester plusieurs jours sans manger, ou ne mangeant que quelques bribes de nourriture par ci par là, quittes à manger en quantités doubles ou triples quand l’occasion se présenterait. Et malgré les excès de nourriture alternant avec les périodes de privations — ou peut-être à cause même de cela — malgré, aussi, qu’ils fussent, la plupart du temps, exposés au froid et aux intempéries, étant souvent obligés de coucher dans la neige avec leurs vêtements tout mouillés, malgré toutes ces souffrances et ces misères, ces hommes de fer parvenaient très souvent à l’âge de soixante-quinze ou quatre-vingts ans, et même au delà, sans la moindre maladie ou infirmité.

Est-il surprenant que ces hommes aient engendré une race d’athlètes et que, de nos jours, leurs descendants remportent les honneurs dans tous les concours