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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/154

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de force ou d’agilité auxquels ils daignent prendre part ?

Les deux chasseurs dont nous suivons les pas étaient de cette race et de cette trempe. Rester deux ou trois jours sans manger ne les effrayait pas. Il n’est donc pas surprenant que Roger, la tête et le cœur pleins du regret que lui causait le départ d’Ohquouéouée, épuisé de fatigue et de manque de sommeil, eût oublié de préparer le dîner.

Quand le jeune homme fut revenu au bord de la rivière, après qu’Ohquouéouée l’eut quitté en revenant de la source, il s’était assis et s’était mis à songer. Ses pensées allaient tout naturellement à la jeune Indienne dont il venait de se séparer. Mais, comme il n’avait pas dormi depuis une quarantaine d’heures et comme, chez un jeune homme de son âge, la nature est toujours plus forte que l’imagination, voire l’émotion, il s’était laissé peu à peu choir sur la mousse, où le sommeil était venu tranquillement arrêter le cours de ses rêveries. Il aurait certainement dormi toute la journée si Le Suisse n’était venu le tirer de son sommeil.

Tout en parlant et pendant que Roger allumait le feu, Le Suisse avait pétri quelques poignées de farine de sarrasin avec de l’eau de la rivière. Il fit cuire cette pâte au feu et, avec les restes de poisson de la veille, les deux compagnons eurent vite fait d’expédier leur repas ; si l’on peut appeler repas le fait d’avaler quelques bouchées de pâte brûlante et à moitié cuite. Puis Roger, allant au canot prendre son arc et ses flèches, partit dans la direction de la source, mais en suivant le bord de la rivière.