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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/163

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de lui, poussa Roger qui dormait encore et lui dit d’une voix joyeuse :

— Holà ! mon ami !… Debout !… Il est jour et nous avons huit bonnes lieues à ramer aujourd’hui ! Vite, il ne nous faut pas perdre de temps !

Roger se leva à son tour et, ensemble, ils se dirigèrent vers le canot. Ils y mirent tout en ordre et le tirèrent jusqu’au banc de gravier où étaient enterrées les perdrix. Après avoir déterré ces dernières, ils les placèrent soigneusement au fond du canot, en ayant bien soin de ne pas briser les enveloppes de glaise dont elles étaient entourées et qui, maintenant qu’elles étaient un peu refroidies, étaient dures comme de la brique. Puis ils s’installèrent, Roger à l’avant, Le Suisse à l’arrière, et, d’un même mouvement, ils repoussèrent leur embarcation vers le milieu de la rivière et plongèrent leurs avirons dans l’onde claire.

Le soleil se levait comme ils se mettaient en route. De chaque côté de la rivière, de nombreuses alouettes parcouraient la grève en sautillant. À l’approche du canot, elles s’élevaient au-dessus des arbres en lançant leur note claire au jour naissant. De temps à autre, un martin-pêcheur, effrayé par leur approche, s’enfuyait à tire d’aile en rasant l’eau. À un coude de la rivière, ils aperçurent un chevreuil en train de s’abreuver à l’eau courante. Au bruit que faisaient les avirons, il releva brusquement la tête, faisant jaillir l’eau en gouttes limpides qui brillèrent au soleil comme autant de diamants, regarda fixement les deux hommes l’espace de deux ou trois secondes, puis, d’un seul bond, il disparut parmi les arbres de la rive.