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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/165

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que leur bagage, sur leur dos et à travers les bois, jusqu’au dessus du rapide. C’était cette opération que les coureurs de bois appelaient, et que tous ceux qui fréquentent la forêt de nos jours appellent encore : « Faire un portage. »

Sur une distance de près d’un mille, immédiatement au dessus de l’endroit où les deux compagnons venaient d’atterrir, l’eau coulait sur un fond rocailleux, mais assez uni ; et la rivière n’offrait d’autre obstacle à la navigation que la rapidité du courant. Mais, plus haut et sur une distance d’un bon demi-mille, le lit de la rivière, formé de roc solide, était sillonné de profondes crevasses, variant de deux ou trois à quinze ou vingt pieds de largeur, et de un ou deux à huit ou dix pieds de profondeur. Ces crevasses s’étendaient dans toutes les directions, coupant le lit de la rivière de multiples zigzags et présentant parfois les dessins les plus fantastiques. Les neuf dixièmes, environ, du volume des eaux s’engouffraient dans ces crevasses, bouillonnant, tourbillonnant et mugissant. Il n’y en avait qu’une infime partie qui, passant par dessus les rochers séparant les crevasses entre elles, descendaient le rapide en ligne directe. De plus, en une couple d’endroits, le lit de la rivière s’abaissait brusquement de plusieurs pieds, formant, à chaque fois, une cataracte dont le grondement faisait continuellement résonner les échos des forêts environnantes.

Comme ils atterrissaient, Le Suisse, tout en aidant Roger à tirer le canot sur la grève, dit :

— Il est temps, je crois, que nous mangions un peu de farine. Fais du feu, pendant que je vais détremper la galette.