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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/169

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XXIII

LA RIVIÈRE SAINT-FRANÇOIS

Depuis qu’ils avaient laissé le lac Saint-Pierre, le pays que nos voyageurs traversaient avait complètement changé d’aspect.

Sur une distance de plusieurs milles, à l’approche de son embouchure, la rivière Saint-François coule entre deux hautes berges, couvertes, à cette époque, de pins, d’ormes, de plaines et de chênes, auxquels se mêlaient quelques noyers, quelques bouleaux et de très rares cèdres. Mais, à mesure qu’ils avaient remonté le cours de la rivière, ils avaient vu les berges s’abaisser et, à trois ou quatre lieues de son embouchure, elle coulait lentement entre des rives de pas plus d’une dizaine de pieds d’élévation, à travers un pays plat et uni comme une table de billard.

À huit ou dix lieues de son embouchure, ou à peu près à l’endroit où Le Suisse et Roger avaient campé le premier soir de leur voyage, la forêt avait changé d’apparence. Les chênes et les plaines avaient à peu près disparu, remplacées par les épinettes à l’écorce et au feuillage sombre. Les pins et les cèdres étaient beaucoup plus nombreux et se mêlaient aux épinettes, ainsi que les sapins à l’écorce grise et boursouflée, au feuillage vert foncé au repos et gris argent quand le vent, soulevant leurs branches, fait voir le dessous de leurs feuilles drues et étroites comme les dents de ces peignes que les femmes mettent dans leur chevelure.

En remontant plus haut, le paysage avait encore changé. Le pays, jusque là plat et uni, devenait