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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/17

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tête. Mais quand il ne fut plus qu’à un pas de l’Indienne qu’il venait de repousser et d’apostropher si durement, celle-ci releva la tête et le regarda d’un air craintif. Alors, voyant qu’il avait affaire à une toute jeune fille, les manières du jeune homme se radoucirent sensiblement, et ce fut d’un ton où il restait plus de surprise que de colère qu’il demanda :

— Que peux-tu bien faire, toute seule ici ? Puis, sans lui donner le temps de répondre, il continua : Pourquoi voulais-tu t’emparer de mon canot ?

L’Indienne baissa la tête et, d’une voix hésitante, d’une voix que la honte aussi bien que le regret de l’acte qu’elle avait tenté de commettre faisait trembler, elle répondit :

— Je cherche un canot depuis si longtemps !

— Tu cherches un canot ?… Et qu’en veux-tu faire ?… Dis-moi d’abord pourquoi tu erres ainsi toute seule dans ces parages ?

— Parce que je cherche depuis deux lunes le moyen de traverser la Grande-Rivière !

— Quels motifs, reprit le jeune homme, comme s’il eût douté de la vérité de ce que l’Indienne venait de lui dire, peut bien avoir une Algonquine de vouloir traverser la Grande-Rivière, quand sa tribu et tout ce qui peut l’intéresser se trouve de ce côté-ci ?

— Je ne suis pas une Algonquine, répartit la jeune fille en se redressant avec fierté et en regardant le jeune homme dans les yeux cette fois. Je suis de la tribu de la Tortue, de la grande nation onnontaguée. Mon père est le fameux chef Cayendenongue. Ma mère était de la puissante tribu de l’Ours, de la nation oneyoute. Dans ma tribu on m’appelle Ohquouéouée.