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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/171

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ruisseaux et rivières qui sillonnent ce pays en tous sens, aussi bien que sur les flancs des montagnes bornant l’horizon au sud, croissaient, en quantités innombrables, les érables à sucre — que les Algonquins appelaient : « Inimatik, » c’est-à-dire, l’arbre par excellence — aux troncs droits et élancés, au feuillage du plus beau vert et aux feuilles découpées comme les plus fines dentelles. Ici et là, parmi les érables qui formaient la grande majorité des arbres dont se composait cette forêt, un platane aux larges feuilles, un orme aux branches énormes ou un hêtre au tronc tors et à l’écorce unie, rappelant les colonnes de bronze noirci de certains monuments, voisinaient avec un noyer, un frêne ou, très rarement avec un chêne.

C’était dans ces forêts de décidués — ou de bois franc, selon l’expression de nos gens — que Le Suisse et Roger venaient, comme le disait le premier, « Chasser les noisettes, les faînes, le miel et les ours. »

Le jour suivant celui où ils s’étaient engagés dans la rivière Coaticook, une heure environ avant le coucher du soleil, les deux compagnons tiraient leur canot sur le sable d’une petite grève, au fond d’une espèce d’immense entonnoir et au pied d’un rapide bruyant.

Ils avaient remonté la rivière toute la journée. Tantôt, quand la vallée, en se rétrécissant, obligeait la rivière à couler en ligne droite en faisant bouillonner ses eaux, ils avaient marché dans l’eau en poussant leur canot à force de bras. Tantôt, quand la vallée s’élargissait et que la rivière se remettait à dérouler ses méandres d’une colline à l’autre, ils avaient