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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/173

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pieds moins élevée que le sommet de la colline la séparant de la vallée inférieure, que nous avons appelée l’entonnoir, et d’une couple de cents pieds plus élevée que cette dernière. La rivière la parcourt du sud au nord en serpentant, en se baladant d’une colline à l’autre, multipliant ses détours et retours sur elle-même, comme si elle voulait retarder, autant que possible, le moment où il lui faudra quitter cette belle et riante vallée. Et quiconque connaît cette partie du pays, ne peut s’étonner que la rivière hésite avant de quitter son paisible cours dans la vallée supérieure pour s’engager dans le précipice qui la sépare de la vallée inférieure.

À l’extrémité nord de la vallée supérieure, le sol s’élève brusquement et forme la colline dont nous parlions tantôt ; laquelle sépare la partie haute de la partie basse de la vallée. Après en avoir contourné le pied sur une courte distance, jusqu’à un point où la pierre dont la colline est formée, n’étant plus recouverte de terre, apparaît nue et aride, la rivière, tournant à droite, se précipite tout à coup dans une étroite et profonde crevasse qui s’offre à elle, béante, dans le flanc de la colline. À voir cette crevasse, on la croirait faite à coups de quelque hache gigantesque qui, maniée par un titan, aurait séparé le rocher en deux tronçons.

La rivière s’engouffre dans cette ouverture en grondant ; mais à peine a-t-elle parcouru cent pas que son lit s’affaisse tout à coup sous elle et qu’elle tombe d’une hauteur de plusieurs pieds. Puis elle rejaillit, monte à l’assaut d’énormes quartiers de roc qui lui barrent la route et, se retournant et bondissant, elle tente d’escalader ses rives : des murailles de roc