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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/176

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jeune homme demeura immobile, dans l’attitude d’une personne à qui l’on vient d’arracher une partie de son être, et qui reste toute désemparée, ne sachant que faire. Puis, quand il se mit en marche vers la rivière, elle le suivit de loin, se tenant toujours à la même distance ; assez près de lui pour ne pas le perdre de vue, assez loin pour ne pas être vue de lui, tant qu’il fût seul.

Elle le vit arriver au bord de la rivière et s’asseoir au pied d’un arbre, les genoux relevés, un coude appuyé sur le genou et le front dans la main, et rester longtemps dans cette position, immobile. Puis, peu à peu, elle vit son corps s’affaisser ; il allongea les jambes et son coude glissant de son genou, alla s’appuyer sur la mousse qui entourait le pied de l’arbre sous lequel il était assis. Un peu plus tard, ce fut sa tête qui, de cette mousse, se fit un oreiller. Et Ohquouéouée s’aperçut alors que Roger dormait profondément.

Marchant avec précautions, afin de ne pas l’éveiller, la jeune Indienne se rapprocha et vint s’asseoir tout près du Canadien. Elle mit sa main sur son front… sur ses yeux… sur sa bouche. Elle se coucha sur la mousse et mit son visage tout près de celui du jeune homme

Au même instant, les lèvres du dormeur s’entr’ouvrirent et esquissèrent un sourire… À quoi rêvait Roger ?

Il y avait déjà longtemps qu’Ohquouéouée était là, surveillant le sommeil du jeune Blanc, heureuse et satisfaite de se sentir près de lui, quand, tout à coup, elle se mit prestement sur ses pieds et, en courant mais sans froisser une branche ni une feuille, légère