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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/180

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ruisselant d’eau, brillait au soleil comme s’il eût été de bronze poli.

Roger, quand il était sorti de l’eau, la veille, eut rappelé un marbre antique qu’un souffle de vie serait venu animer ; mais en voyant Ohquouéouée sortir de la rivière et s’arrêter, écoutant, immobile, à un bruit quelconque de la forêt, on eût dit une déesse de l’Olympe coulée dans le bronze.,

Quand elle se fut bien rafraîchie, Ohquouéouée sortit de l’eau, se rhabilla et chercha une place pour y passer la nuit. Le lendemain, au lever du soleil, elle se remettait en route, suivant, en la remontant, la rivière Richelieu.

Elle marcha toute la journée et les jours suivants, ne s’arrêtant que pour se procurer la nourriture nécessaire à l’entretien de ses forces, comme nous l’avons vue faire le premier jour. Le nuit venue, elle se couchait n’importe où : dans le creux d’un arbre, entre deux grosses racines de quelque vieil arbre ou sous un rocher incliné. Peu lui importait ; car on était dans la belle saison, la température se maintenait au beau, et coucher à la belle étoile était un plaisir.

Quant aux bêtes des bois, elle n’en avait cure. Elle n’éprouvait pas le moindre sentiment de crainte à leur égard. De leur côté, les bêtes, averties par leur instinct qu’elles n’avaient rien à craindre de la part de l’Indienne, ne s’occupaient pas plus d’Ohquouéouée que si elle eût été une des leurs.

Un jour, comme elle marchait sur la grève du Richelieu, elle arriva à un endroit où une famille de chevreuils, composée du père, de la mère et de deux petits, étaient en train de s’abreuver à vingt pieds