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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/187

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de miroirs. C’est le dernier mot de l’art en fait de forme, de trempe et de fini.

Cet outil, ou plutôt, cet objet d’art est porté par un manche fait, la plupart du temps, de chêne ou d’érable : les deux plus belles et les deux meilleures espèces de bois que produit la forêt canadienne. Ce manche, au lieu d’être droit, gros et rigide comme le manche de la hache européenne, est fin, flexible et recourbée en forme de S très allongé. Cette flexibilité et cette forme recourbée en rendent le maniement beaucoup plus facile et, surtout beaucoup moins fatiguant pour celui qui y est habitué.

Avec la hache européenne, à manche droit, le bûcheron qui veut frapper fort et dru doit lever les mains au-dessus de la tête et les rabattre en s’élançant de toutes ses forces ; ce qui l’oblige, afin de garder son équilibre, à tenir ses pieds très écartés, l’un en avant de l’autre, et à faire pivoter continuellement le haut de son corps sur ses hanches ; car, à chaque coup qu’il donne, ses épaules décrivent un quart de cercle. Ce mouvement des bras et cette torsion du buste gênent la libre action des poumons et, en peu d’instants, le bûcheron se sent essoufflé. Il lui faut alors, soit ralentir son allure, soit diminuer la force de ses coups ou se reposer.

Avec la hache canadienne, au manche courbe et flexible, la main qui tient l’extrémité libre du manche ne remue presque pas. L’autre main, glissant le long du manche jusqu’à trois ou quatre pouces de la hache quand celle-ci s’élève, glisse dans la direction opposée et vient rejoindre la première quand la hache s’abaisse ; et c’est la forme recourbée du manche qui donne la force du coup.