Aller au contenu

Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/189

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 189 —

C’est à cette vue que l’on comprend comment il se fait que l’homme, être chétif et misérable s’il en fut, ait pu acquérir tant de maîtrise sur le reste de la nature. Quand on voit ces pyramides de branches et de feuilles, supportées par un tronc de deux ou trois pieds de diamètre et de cent ou de cent cinquante pieds de hauteur et qui, depuis des siècles, résiste victorieusement à toutes les colères des ouragans de même qu’à tous les assauts des éléments réunis, ne pouvoir résister plus de quelques minutes à l’attaque d’un bûcheron et de sa hache, on sent que l’homme est bien le maître du reste de la nature ; et que, pourvu qu’il y mette le temps voulu et avec l’aide de son génie, rien ne lui est impossible.

Un spectacle du genre de celui que nous venons de décrire se serait offert aux regards de quiconque se fut trouvé sur les bords de la rivière Coaticook, au pied du rapide dont nous avons parlé dans un précédent chapitre et le lendemain du jour où les deux compagnons étaient arrivés en cet endroit.

Le bûcheron était notre ami Roger Chabroud. La tête haute, son torse élancé bien droit, les jambes bien campées, il maniait la hache comme les plus habiles travailleurs de la forêt. Les coups retentissaient drus et forts. Les copeaux volaient et s’éparpillaient, couvrant le sol autour de lui et, à de courts intervalles, un autre arbre venait s’ajouter à ceux déjà abattus.

Pendant que Roger abattait les arbres et les dépouillaient de leurs branches, Le Suisse coupait, taillait et façonnait les troncs que, tous les deux, ils traînaient ensuite à l’endroit où ils voulaient ériger leur