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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/20

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L’on tint un troisième conseil, et on avait perdu tout espoir de trouver la terre ferme avant que l’homme ne vînt au monde quand un troisième plongeur, auquel personne n’avait songé, se présenta devant le Grand-Lièvre. C’était le rat-musqué qui s’offrait à risquer sa vie pour aller chercher une motte de terre au fond de l’eau. Les animaux hésitaient à accepter l’offre du rat-musqué, qui n’était pas considéré comme aussi bon nageur que le castor et la loutre. Mais, à la fin, on lui permit d’essayer, et il plongea.

Il fut, comme les deux autres, plusieurs lunes sous l’eau, et, quand il réapparut, il flottait, le ventre en l’air. Il fut hissé sur la tortue et on essaya de le ranimer, mais il était trop tard, il mourut. Cependant, après qu’il fut mort, on trouva un grain de sable entre deux de ses griffes. Ce grain de sable fut suffisant pour le Grand-Lièvre. Il le prit, le plaça sur le dos de la tortue, puis se mit à courir autour. Aussitôt, le grain de sable commença à grossir ; il couvrit bientôt tout le dos de la tortue, puis il devint petite île, puis grande île, puis colline, puis montagne, puis pays, puis monde !… Et le Grand Lièvre continue encore, de nos jours, à courir autour ; et le monde continue toujours de s’agrandir…

C’est pourquoi, dans l’imagination des premiers habitants de ce pays, la tortue, qui a eu le courage de porter les animaux pendant que le monde était en formation, a eu l’honneur de donner son nom aux plus nobles tribus des hommes.

Et c’est pourquoi l’Indienne dont nous venons de faire la connaissance avait eu un mouvement de fierté en apprenant au chasseur blanc qu’elle était de la tribu de la Tortue.