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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/21

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— Tu es une Iroquoise ! fit le jeune homme au comble de la surprise. Alors, je le répète, que peux-tu bien faire ici ? Car si j’étais surpris de rencontrer une Algonquine seule dans ces parages, à plus forte raison le suis-je d’y rencontrer une Iroquoise ; race que l’on dit très aventureuse, il est vrai, mais dont les guerriers, et encore moins les femmes, ne traversent pas souvent le Saint-Laurent ! Mais, dis-moi : Avec qui es-tu venue ici ? Et par suite de quelles circonstances te trouves-tu seule et comme abandonnée, en plein pays des Algonquins ?

Avant de répondre à ce flot de questions, Ohquouéouée, qui s’était rassise et avait tenu ses yeux fixés sur le sol pendant tout le temps que le jeune homme avait parlé, se redressa en examinant longuement celui-ci des pieds à la tête. Puis, fixant son regard sur celui de son interlocuteur, d’une voix qui, bien que tremblante, était douce et caressante comme le chant de la grive au crépuscule, elle dit :

— Bien que tu appartiennes à la race détestée des Blancs, venus de par delà les Grandes Eaux pour nous enlever nos terres de chasse, ton regard est franc, ton visage exprime la bonté et j’ai confiance en toi !… Assieds-toi là, et je vais te raconter comment il se fait que je sois seule ici, et ce que je voulais faire de ton canot.

En même temps elle indiquait de la main, sur la berge, une épaisse touffe d’herbe, sur laquelle le jeune homme s’assit, tout en laissant reposer ses pieds sur le sable de la grève.

La conversation qui précède avait eu lieu en algonquin, langue que les deux interlocuteurs, bien que l’un fut Canadien et l’autre Iroquoise, parlaient avec