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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/204

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grand désespoir, son regard se détourna lentement et se fixa, sans mot dire, sur celui de son compagnon.

Celui-ci haussa machinalement les épaules et dit d’une voix creuse :

— Continue !

Le jeune homme releva sa hache et se remit à frapper l’arbre. Alors, la colère du petit animal ne connut pas de bornes. Ses cris ininterrompus, il n’y avait pas à s’y méprendre maintenant, étaient remplis d’injures à l’adresse des deux hommes. Il bondissait, non seulement d’une branche à l’autre, mais d’un arbre à l’autre. Il arrachait des feuilles, les mordait frénétiquement et les rejetait violemment dans la direction de ses deux ennemis. Il en vint jusqu’à sauter sur la tête de Roger ; mais ses pattes mignonnes ne firent qu’effleurer le bonnet de peau du bûcheron et, retombant sur le sol, il s’enfuit à travers les feuilles dont la terre était jonchée et s’alla cacher à quelque distance, comme s’il n’eût pas voulu, n’ayant pas été capable de l’empêcher, assister à la destruction de sa demeure.

Les deux pillards ne le voyaient plus, mais à intervalles presque réguliers, ils entendaient un faible cri, semblable à une plainte ; signe que le petit animal qu’ils étaient en train de dépouiller pleurait la perte de sa retraite et de sa provision de nourriture.

C’était triste à faire pleurer.

L’entaille s’agrandissait rapidement au flanc de l’arbre. Elle était maintenant assez large pour découvrir l’amas d’amandes. Il y en avait près d’un minot.