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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/205

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Que de voyages, l’écureuil avait dû faire pour transporter toute cette provision ! Que de travail, que de labeur perdu !

Parlant bas et évitant de faire du bruit, comme deux brigands qu’ils se sentaient être, les deux compagnons mirent les amandes dans un sac et se retirèrent à pas pressés, en courbant l’échine et en arrondissant les épaules, comme doivent toujours le faire les voleurs quand ils se sauvent avec leur butin.

Rendus au camp, Roger dit, d’une voix enrouée par l’émotion :

— Savez-vous que c’est un vilain métier que nous faisons là ? Si tous les écureuils que nous allons dépouiller doivent nous faire une scène comme celle que nous venons de subir, pour ma part, j’abandonne le métier !

Après un moment de silence. Le Suisse répondit :

— La colère et les plaintes du petit animal m’ont désagréablement impressionné, moi aussi, je dois l’avouer. Mais il faut se raisonner un peu, que diable ! Le cas n’est pas aussi grave qu’il le paraît ! Je conviens que si nous dépouillions ces animaux à l’approche de l’hiver, ce serait mal. Mais, à cette saison-ci, il leur reste trois grands mois pour se trouver une autre retraite et la garnir de nouvelles provisions. Ainsi, quand viendra le temps des faînes, nous nous contenterons de ce que nous pourrons faire tomber des arbres, et nous nous garderons bien de toucher aux amas qu’auront pu s’en faire les suisses et les écureuils.

— Je veux bien vous croire, fit Roger après un nouveau silence. Mais je vous assure que c’est la