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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/209

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Ces réflexions que se faisait la jeune fille en marchant, donnèrent une nouvelle vigueur à sa démarche. Mais ce ne fut qu’à l’approche de la nuit, quand, bien qu’il fasse encore grand jour au-dessus de la forêt, les ombres de la nuit commencent déjà à tisser leurs voiles sous les arbres pour, à mesure qu’ils prennent de la consistance et de l’ampleur, les étendre et les relever peu à peu jusqu’à ce qu’ils recouvrent tout le pays, à l’heure où tous les êtres et toutes les choses prennent des formes indécises et déconcertantes, qu’elle aperçut les premières cabanes du village où elle avait passé une si heureuse enfance.

À cette vue, oubliant sa fatigue, elle se mit à courir de toutes ses forces et elle maintint cette allure jusqu’à ce qu’elle eut atteint les premières habitations de la bourgade. Mais, arrivée là, elle s’arrêta brusquement et promena un regard interdit autour d’elle.

« Que se passait-il donc, qui rendît le village si morne, si désert ?… Comment se faisait-il qu’elle n’avait rencontré personne en approchant du village ?… Que personne ne passait dans les sentiers reliant les cabanes les unes aux autres ? »

Elle était accoutumée, à la tombée de la nuit, de voir les jeunes gens revenir de la forêt. À la sortie du bois, ils se défaisaient, aux mains des matrones, du produit de leur chasse, et celles-ci, emportant le gibier chacune vers sa cabane, se mettaient à apprêter le repas du soir. Tout cela faisait un remue-ménage qui, joint aux cris des enfants prenant leurs ébats dans les environs, remplissait le village, ainsi que l’orée du bois tout autour, de bruit et de mouvement.

« Comment se faisait-il qu’en approchant de Sarastau, contrairement à son attente, elle n’avait