Aller au contenu

Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 210 —

pas rencontré un seul chasseur ?… et que le village même était morne, désert et silencieux ? »

La cabane de son père était située, à l’autre bout du village, près de la grande source d’eau salée et de l’autre côté d’un bouquet de pins qui coupait le village en deux parties. Ohquouéouée se mit à marcher dans cette direction ; mais lentement et sans bruit, comme si elle eut craint de rompre ce silence qui, pourtant, l’écrasait.

Comme elle approchait du centre du village, près du bosquet qui séparait les cabanes en deux groupes et qui l’empêchait de voir cette partie de la bourgade où étaient situées la cabane de son père ainsi que celle du conseil, elle entendit un son confus. On eût dit le bourdonnement d’une ruche quand les abeilles, sortant et entrant en même temps, font entendre ce bruit sourd qui leur est particulier.

La jeune fille s’arrêta et écouta quelques secondes ; puis, ne pouvant reconnaître la nature du grondement qu’elle entendait, elle se remit en marche et contourna les quelques arbres qui lui cachaient la partie du village d’où venait le bruit qui l’intriguait si fort.

Alors, un spectacle qui la cloua, encore une fois, sur place et qui glaça son sang dans ses veines, s’offrit à sa vue : toute la population du village était rassemblée entre la cabane du conseil et l’habitation de son père, où elle formait une double haie de chaque côté du sentier reliant les deux cabanes l’une à l’autre. Le long de ce sentier, un cortège, formé de cinq ou six jeunes chasseurs chargés d’un fardeau qu’ils semblaient porter avec les plus grandes précautions, s’avançait lentement vers la cabane du conseil. Ohquouéouée vit qu’ils étaient rendus environ à mi-dis-